L’école du futur, c’est par où ?

Si je vous demande à quoi va ressembler l’école du futur, vous me dites quoi ? Oui, Patrick ? Des buildings en verre et des tableaux interactifs. Ok, pourquoi pas. Martine, à toi. Des tables volantes et des stylos qui écrivent tout seuls. Bien sûr, Martine, merci pour ta participation. Jean-Pierre, tu voulais dire ? Des profs bioniques et des élèves virtuels. Voilà voilà.

De la science fiction quoi. Je ne veux pas vous décevoir, mais l’école du futur, pour exister, a juste besoin de votre ouverture d’esprit et de votre lâcher prise. Aller, on respire un grand coup et on décolle.

Et le futur, ce qui est plutôt pratique, c’est qu’il est accessible en navette aérospatiale dynamique (en métro quoi), à l’École Démocratique de Paris, où j’ai passé une journée. Ouvrez vos chakras, vous rentrez dans une autre dimension. Pour faire simple, dans les écoles démocratiques, on part de la connaissance suivante : dès la naissance, nous sommes programmés pour apprendre simplement en vivant. Les bébés apprennent à manger des aliments solides, à marcher, à parler, etc sans être assis à une table. Bien au contraire. Dans ces écoles, on recrée donc simplement les conditions de la vraie vie : on vient comme on est, on vit et on apprend comme ça, naturellement.

Oh la la, ça y est, vous commencez à froncer les sourcils. Vous aurez une belle ride du lion bien incrustée, tant pis pour vous, faudra pas venir pleurer après. Si vous voulez bien vous décrisper, je vous invite à lire la suite. J’aborde les questions majeures, qui font peur et qui angoissent les gens comme nous, qui vivons encore dans la dimension du XXème siècle.

NAN MAIS JOUER TOUTE LA JOURNEE, C’EST PAS LA VOCATION DE L’ECOLE. Effectivement, la vocation de l’école, ça devrait être d’apprendre à vivre. Et vivre, pour un enfant, ça veut dire jouer. Pendant cette journée, les enfants ont donc joué. Oui toute la journée. Au cheval, à la famille, à la famille qui s’occupe d’un cheval. Ça s’appelle l’imitation, un des processus d’apprentissage majeur chez les petits. Les plus vieux ont joué au baby-foot, on parlé philo, en se posant des questions sur le bien et le mal, ont partagé leurs préoccupations personnelles avec des adultes bienveillants.

NAN MAIS LES ENFANTS NE VONT PAS VOULOIR APPRENDRE SPONTANÉMENT. Vous n’écoutez rien hein. L’enfant apprend tout seul on vous dit ! Et il aime ça en plus. Pendant ma journée d’immersion, en jouant, un petit groupe d’enfants a trouvé une petite araignée. Problématique du groupe : comment lui donner à manger. Les enfants sont donc allés chercher seuls, sur internet, ce que mange une araignée et comment elle vit ! Et hop, l’air de rien, les mômes ont touché à la notion d’éco-système, de respect de la nature, de chaîne alimentaire, peut être d’Amazonie et je ne sais quoi encore ! Le sens donné à l’apprentissage n’existe que quand l’enfant décide lui même que ça fait sens. Il voudra apprendre à lire quand il en aura besoin pour échanger ses cartes Pokémon, il voudra apprendre à compter quand il voudra savoir si son Pikachu a plus de points que le Rondoudou du copain. Pas évident à accepter hein ? Je sais.

NAN MAIS DANS LA VIE, ON NE PEUT PAS FAIRE CE QU’ON VEUT QUAND ON VEUT. Et c’est bien dommage. Et ça doit changer. La liberté de choisir ce qu’on fait, sans autre contrainte que se respecter et respecter les autres, permet d’être responsable de sa propre personne et d’apprendre l’autonomie. Dans cette école, l’enfant doit se prendre en charge pour le maximum de choses. Exemple : à midi, que se passe-t-il à peu près naturellement pour tout le monde : on a faim ! Alors qu’est-ce qu’on fait ? On mange. Bravo. Il n’y a pas de sonnerie qui indique le début de quelque ou la fin d’une autre. Il y a juste le corps et l’esprit pour dire qu’il faut changer d’activité, manger, sauter, danser, penser, parler, dormir ! Alors, dans un idéal, faire ce qu’on veut quand on veut, c’est la seule manière de s’épanouir. Parlez en à votre chef demain, ça peut créer un déclic…

NAN MAIS SANS PROF, JE VOIS PAS COMMENT CA PEUT FONCTIONNER. En effet, il n’y a pas de prof. Il n’y a pas d’adultes qui ont le statut de détenteurs des connaissances face à des élèves présumés ignorants. Il y a des adultes présents et sollicités en dernier recours pour guider les enfants quand ceux ci les sollicitent. Pour les encourager dans leurs tâches. Pour les aider à chercher, à se questionner, à vivre ensemble. Ces adultes ont simplement accepté qu’ils ne sont pas nécessaires et suffisants pour l’apprentissage des enfants. Et qu’ils ne valent pas plus qu’eux. C’est une histoire de posture !

NAN MAIS SANS REGLE, C’EST LE BAZAR TOTAL. Rebelotte vos gros sourcils. Et ben figurez-vous que quand vous laissez des enfants vivre, sans les contraindre à quoi que ce soit, ça fait comme vous quand on vous laisse vaquer à ce que vous aimez, quand vous le voulez : vous êtes calme, serein, heureux. Donc pendant cette journée, il n’y a eu ni haussement de ton, ni cri de colère, ni boxon généralisé. Évidemment, les conflits, les manques de respect des règles, les incompréhensions existent. Il ne s’agit pas de créer des humains parfaits, il s’agit au contraire d’accepter l’humain comme il est, points d’amélioration compris. Les problèmes soulevés font donc l’objet de « plaintes » déposées dans une boite qui seront traitées lors d’un conseil hebdomadaire pendant lequel la vie de l’école est évoquée. Oh mais, tiens, on dirait une démocratie !

 

Et la démocratie, je ne vous cache pas que ça fait flipper. Notamment quand on a connu l’école traditionnelle et que notre cerveau est formaté. A l’École Démocratique de Paris, après mon déjeuner, j’ai attendu en vain un signal qui m’indique qu’on passait à une autre activité. Qu’on rentrait en cours. Qu’il était l’heure de se concentrer. J’ai alors compris que je n’étais pas prête, que j’avais encore quelques réflexes à déconstruire. Mais que la démocratie, la vraie, celle qui parle d’égalité, de liberté et de fraternité, c’est l’école du futur ! Rendez-vous en 2186!*

 

POUR ALLER PLUS LOIN

  • Parcourez la rubrique des questions fréquemment posées sur le site de l’Ecole Démocratique de Paris : hyper riche et exhaustif !
  • Participez à une journée portes ouvertes dans une école démocratique. L’école Démocratique de Paris en propose régulièrement. C’est sûrement le cas près de chez vous !
  • Allez voir une définition plus étayée des écoles démocratiques sur le site de l’EUDEC (Communauté Européenne pour l’Education Démocratique)
  • Lisez absolument le livre de Peter Gray, « Libre pour apprendre », Editions Actes Sud et PlayBac
  • Lire, oui encore, le livre « Libres enfants de Summerhill », du fondateur de l’école, Alexander, S.NIELL. Si vous ne voulez pas lire, regardez au moins le film « Les enfants de Summerhill« , qui retrace l’histoire de l’école du même nom fondée en 1921 et qui fait témoigner des élèves qui y sont passés. Amazing !
  • Regardez le film « Être et devenir« , toujours sans froncer les sourcils.

9 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. coralie6doigts dit :

    Eh bien, j’ai l’impression que t journée a l’école démocratique t’a plu !! Ca fait rêver…

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    1. labigsouris dit :

      OUI !ça a continué d’ouvrir mon esprit !

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      1. Delévaux Irène dit :

        Oui et oui! Revenons à nous même et laissons les enfants aussi se reconnecter à eux mêmes. La vie ainsi est harmonieuse gaie passionnante parce que l être apprend, fait ce qu il aime avec intérêt et partage spontanément ses découvertes dans un climat de bienveillance. Je veux connaître cette ambiance et donc chemine pas à pas.

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        1. labigsouris dit :

          Et c’est encore mieux quand on peut cheminer ensemble !

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  2. Isa dit :

    Bel article, merci 🙂

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    1. labigsouris dit :

      Merci pour ce commentaire motivant !

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  3. Martine dit :

    J’adore comment c’est écrit ! Bravo.

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    1. labigsouris dit :

      Merci Martine!

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